Le documentaire "Becoming Led Zeppelin" : une plongée au cœur des débuts du groupe, juste avant le décollage
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Annoncé depuis au moins six ans, Becoming Led Zeppelin, le premier documentaire autorisé sur l'explosif quatuor rock, débarque enfin en salles mercredi 26 février. S'il y a de quoi se réjouir, autant conjurer d'emblée les déconvenues : pas de références ici aux sulfureuses orgies du groupe, à la drogue, ni aux sciences occultes prisées par Jimmy Page. Pas trace non plus de Black Dog, Stairway to Heaven, Kashmir ou Immigrant Song.
Le film se concentre en effet sur la genèse du groupe britannique et son ascension fulgurante en moins de dix-huit mois, entre l'été 1968 et fin 1969, et il s'arrête (hélas) au moment de la sortie de leur second album Led Zeppelin II.
Rassurez-vous, il reste de la matière. Le film de Bernard McMahon et Allison McGourty vaut notamment pour les images de leurs premières performances live, même si pas toujours inédites (on en trouve sur l'INA), où le groupe apparaît expérimental, mais profondément habité, et en symbiose totale. "L'improvisation était stratosphérique", se remémore Jimmy Page, "on voulait vraiment marquer les esprits à travers nos concerts."
C'est toujours un bonheur de voir ou revoir Robert Plant envoûter de sa tessiture fantastique le micro tenu serré à deux mains, tout en agitant en rythme son abondante chevelure. Ç'en est un autre de voir Jimmy Page faire babiller avec une vélocité inouïe sa guitare – dont il parle ici comme d'Excalibur, l'épée magique –, ou de la faire grincer de façon spectaculaire en brandissant son archet à la verticale. C'est encore un autre ravissement de voir John Bonham allier puissance et groove derrière ses fûts, dans un dialogue subtil avec la basse virtuose de John Paul Jones (qui est aussi claviériste). L'ensemble est renversant, électrisant, à la fois cérébral et chargé d'érotisme, même avec cinquante ans de recul, notamment sur les versions fantastiques proposées ici de Dazed and Confused et What Is and What Should Never Be.
Afin de ne pas perdre une miette de la puissance de ces séquences live, il est recommandé de voir ce film dans les salles immersives iMax. On a moins aimé cependant certains montages psychédéliques d'images du groupe sur des bandes son audio, sans doute une façon de compenser le manque d'archives audiovisuelles de qualité.
De facture (un peu trop) classique, Becoming Led Zeppelin est surtout l'occasion d'entendre enfin parler les trois survivants du groupe – une parole rare qu'a réussi à obtenir, semble-t-il de haute lutte, le documentariste Bernard MacMahon.
Interviewés séparément, – oubliez l'idée d'une reformation – Jimmy Page, Robert Plant et John Paul Jones se remémorent leur enfance, leurs inspirations, leur formation à l'initiative de Jimmy Page sur les cendres des Yardbirds, l'élaboration des deux premiers albums et les tournées, offrant des éclairages précieux sur la naissance de ce groupe au son unique, majeur dans l'histoire du rock. Le regretté John Bonham, mort en 1980, témoigne, lui aussi, via un entretien audio inédit particulièrement touchant.
Robert Plant, 76 ans, et son éternelle crinière de lion, fait preuve d'humour et ne cache rien de ses ambitions premières : engagé dans des études de comptabilité, il plaque tout après avoir vu Little Richard. "J'étais prêt à tout pour chanter, me faire remarquer et percer." Il avoue aussi avoir emprunté aux "meilleurs morceaux de musique noire", notamment à Willie Dixon sur Whole Lotta Love, pour écrire ses premiers couplets, avant d'oser se "mettre à nu" dans ses paroles.
De son côté, le démiurge Jimmy Page, 81 ans et chevelure blanche à catogan, était fou de guitare très jeune – on le voit jouer du skiffle tout gamin dans un rare document vidéo de la BBC. Repéré très tôt, il devient musicien de studio à un âge précoce, et enregistre notamment avec les Rolling Stones, les Kinks, les Who et Donovan. Il intègre ensuite les Yardbirds à l'invitation de son ami Jeff Beck, avant d'en devenir le guitariste principal après le départ surprise de ce dernier.
John Paul Jones, 79 ans, souriant et très avenant, raconte comment il devint, à 14 ans, chef de chœur et organiste d'une paroisse, bien qu'il soit peu croyant, avant de travailler lui aussi comme musicien de studio. Avec Jimmy Page, ils se retrouveront au cœur d'un orchestre complet lors de l'enregistrement de Goldfinger avec Shirley Bassey pour la BO de James Bond.
Quant à John Bonham, il se souvient d'avoir eu sa première batterie à 10 ans après avoir découvert le batteur Gene Krupa dans un film. Il souligne aussi l'énorme influence qu'a eue sur lui la soul, et en particulier la batterie de James Brown qu'il cherchait à égaler.
Ce premier tiers du film peut paraître un peu long, mais il permet de comprendre la future alchimie du groupe et comment le puzzle idéal se met en place dès la toute première fois qu'ils jouent ensemble, à Londres, en août 1968. "C'était l'entente parfaite. On a commencé avec Train Kept A-Rollin' et le studio a explosé", résume John Paul Jones.
Pourtant, les médias ne les soutiendront pas et ils devront d'abord conquérir l'Amérique du Nord, en tournée, avant de triompher à domicile en janvier 1970, au Royal Albert Hall.
Si les interventions de chacun sont intéressantes, bien qu'elles taisent leur part d'ombre, celles de Jimmy Page sont encore plus captivantes. En tant qu'initiateur, producteur et musicien, il détaille en effet la vision ambitieuse, "radicale" et très précise qu'il avait des albums et du live. "On avait de l'or dans les mains et je voulais épater tout le monde", dit-il. Il dévoile en chemin quelques "tricks" sonores, par exemple concernant l'écho inversé entendu sur You Shook Me, ou la façon dont il a réalisé la séquence psychédélique au cœur de Whole Lotta Love.
Le génial guitariste rappelle aussi quelque chose d'essentiel : "Quand on finance soi-même l'album [ce qu'il fit pour le premier], on est dans une meilleure position" pour négocier un deal avec une maison de disques. Présenter l'album déjà produit et mixé à Atlantic Records permit au groupe de signer avantageusement tout en conservant le contrôle décisionnaire. "On pouvait faire la loi, car l'album nous appartenait." Une stratégie payante : bientôt, le monde leur appartiendrait.
/2025/02/21/becoming-led-zeppelin-67b8b32dce5f1412776964.jpg)
Genre : Documentaire musicalRéalisateur : Bernard MacMahon et Allison McGourtyPays : Grande-BretagneDurée : 122 minutesSortie : 26 février 2025Distributeur : Piece of Magic Entertainment FranceSynopsis : Becoming Led Zeppelin explore les origines du groupe emblématique et raconte son ascension fulgurante en un an seulement, alors que rien ne les destinait à devenir des icônes de la musique. S'appuyant sur des images et des performances live inédites, le réalisateur Bernard MacMahon invite le public à une odyssée qui les conduit à explorer l'histoire créative, musicale et personnelle de Led Zeppelin. Le film est raconté par ses membres : il s'agit du premier documentaire autorisé par le groupe.
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